la foret c'est le plus bel endroit de toute cette ville parce que c'est là où il n'y a pas autant d'humains. il y a les esprits, il y a les fleurs, il y a la beauté du monde sans sa cruauté. les arbres semblent exister sans fin, et les animaux qui parcourent ce monde ont l'air de connaître jusqu'à la fabrique même de ce monde. l'univers me regarde entre les feuilles des arbres, et il me dit que je peux espérer. ainsi, parmi la végétation, j'arrive à concevoir que la paix sera possible. il y a beaucoup de personnes dans cette foret qui n'existent plus que dans ma tête. je les y ai laissées, c'est devenu leur maison. une ancienne amie est ici, parmi les esprits. elle m'a volé une guitare et un morceau de ma chair, avant de disparaître.
j'erre longtemps sans but dans ces bois car je n'en avais pas la tête. seulement ici pour ne pas que ça être ailleurs où ça serait pire, et parce que les statues ne peuvent venir me chercher, ici. si je me mettais à marcher vers le soleil moi aussi, je ne pense pas que j'arriverais à trouver un lieu pour moi. j'n'aurai rien à faire ailleurs. c'est déjà assez difficile de faire ici.
le soleil du crépuscule se met petit à petit, ce qui est déjà trop vite, à me quitter. et alors que la nuit s'emparre du monde, une fenêtre grince dans le lointain, des lumières s'allument : c'est une maison, c'est donc quelqu'un, le monde ne m'a pas laissé complètement seul maintenant que je ne peux plus reconnaître l'environnement.
je m'y rends, c'est en réalité une auberge, "l'auberge du bout du monde". la bâtisse, faite de bois est recouverte de plantes dans chaque recoin, hortensias grimpants aux murs.. la terrasse est décorée de draps à motifs, de lampes à lucioles et beaucoup de fauteuils, ou de bancs, chacun avec ses propres couvertures et oreillers. sur le pas de la porte est assis un jeune homme dont je ne peux attraper le regard, son visage est caché par de larges cheveux noirs frisés. peut-être est-ce une jeune femme d'ailleurs, je n'en suis toujours pas complètement certain.
nous échangeons un peu. il s'appelle Nikolaï et l'auberge lui appartient. presque plus personne ne passe par là puisque plus personne n'a rien à faire dans ces bois sauf un visiteur régulier qu'il appelle L'ANGE et qui se ramène chaque fois dans une volée de corbeaux. Nikolaï il continue de gérer son auberge parce que ça lui plaît d'avoir jamais rien à répondre à personne et de pas avoir la lumière des villes qui l'empêche de regarder les étoiles. c'est les deux choses qu'il aimait pas dans son ancien boulot, donc ça lui paraît bien comme les choses sont aujourd'hui. un jour viendra où il trouvera quelque chose de nouveau, il ne sait pas encore. pour l'instant en tout cas, il mange un lantilles-saucisse directement depuis la boite de conserve. d'après ses propres mots, c'est "littéralement totalement ce que dieu aurait voulu".
Nikolaï veut bien que je reste ici pour la nuit. nous sommes allés dans la verrerie nous asseoir autour du pot de cuisine et il m'a servi un bol avec le restant de blé de ce midi, avec un peu de soupe à part. c'était en parfaite honnêteté infâme, mais Nikolaï m'avait demandé de ne pas lui dire si ce que j'en pensais, parce que ça faisait des mois qu'il n'avait plus cuisiné que pour lui et il n'avait jamais eu un palais très fin. alors je ne lui ai rien dit. après ça, il a terminé sa boîte de conserve et j'ai continué mon bol. il me fixait. quand j'ai relevé la tête de mon bol pour lui faire face, il s'est, d'un seul coup, exclamé qu'il avait quelque chose à faire, quittant la pièce dans son élan de hâte. le bruit des escaliers qui grincent, le bruit d'une porte qui s'ouvre, qui se ferme, une tronçonneuse qui démarre, un cri qui se perd, le silence. je ne demanderais pas ce que c'était.
pour un moment il n'y aurait donc plus personne avec moi. c'était le même genre de décoration ici à l'intérieur que sur la terrasse, des portraits à l'aquarelle en plus.
[WIP]