chapitre 3

 " lettre à papi
 ça fera 4 mois, demain, que je ne t'ai rien envoyé. alors je t'envoie cette lettre pour te donner de mes nouvelles.
 enfin il s'est pas passé grand chose qu'ait été remarquable. rien de curieux ou d'intéressant. rien de bizarre non plus.. si, si tu veux savoir, mon arrosoir en plastique était complètement plein ce matin (parce qu'il y a eu une de ces saisons où il flotte à en perdre la tête), et j'ai trouvé que ç'avait quelque chose d'amusant. ne trouves-tu pas ça perturbant que ce soit ce genre d'informations que ma mémoire ait décidé de garder ? les derniers mois paraissent flous mais ça, la vue de cet objet de plastique, demeure.
 sans rapport mais il devait être neuf heures, ou p'tet huit et quelques, au moment où je pris alors conscience que le soleil était revenu mais aussi conscience de ma propre survie, qui m'avait portée à voir le monde baigner dans la lumière à nouveau. et alors je me souvint de ce que tu essayais de m'expliquer quand j'étais un jeune garçon; l'idée de "vivre pour ce qui est beau" m'a parue plus claire en voyant le ciel bleu ce matin-là. en fait, je crois que mon bonheur reposait seulement sur la beauté du monde extérieur, sur laquelle je n'ai aucune influence, quand celle-ci disparût de mon monde, s'en alla alors avec elle mon goût à la vie.
 donc, ouais, voilà. en ce moment j'essaie de comprendre un peu plus ce que tu me disais quand j'étais petit, sur la vie, sur quoi faire et tout ça. je suis toujours un peu perdu mais t'as vu au moins j'fais de mon mieux. quand j'y arrive. avec un peu de chance on aura une occasion de se revoir dans les prochaines semaines. à plus !
- café "
fin de la lettre.
 j'ai rangé cette lettre dans le grand carton qui contient toutes les autres lettres que leur destinataire ne recevra pas. et puis je suis allé boire un verre d'eau.
 mon état récent est correctement décrit dans ces lettres, sans la passive envie de crier. et sans les fleurs, car que serai-je sans ces après-midis perdus allongé dans le champ de fleurs derrière la maison. je rêve d'une occasion où, seul, je pourrai simplement hurler au milieu d'un terrain, sans gêner personne pour autant, un simple défouloir. il y en a une qui s'était présentée, 3 semaines de ça, mais les statues de la maison m'ont appelé à y revenir, et après ça je me suis senti plutôt démoralisé, donc au final, j'attends encore.