" lettre à papi
ça fera 4 mois, demain, que je ne t'ai rien envoyé. alors je t'écris cette lettre pour te donner de mes nouvelles.
enfin il s'est pas passé grand chose qu'ait été remarquable. rien de curieux ou d'intéressant. rien de bizarre non plus.. si, si tu veux savoir, mon arrosoir en plastique était complètement plein ce matin (parce qu'il y a eu une de ces saisons où il flotte à en perdre la tête), et j'ai trouvé que ç'avait quelque chose d'amusant. ne trouves-tu pas ça perturbant que ce soit ce genre d'informations que ma mémoire ait décidé de garder ? les derniers mois paraissent flous mais ça, la vue de cet objet de plastique, demeure.
sans rapport mais il devait être neuf heures, ou p'tet huit et quelques, au moment où je pris alors conscience que le soleil était revenu mais aussi conscience de ma propre survie, qui m'avait portée à voir le monde baigner dans la lumière à nouveau. et alors je me souvint de ce que tu essayais de m'expliquer quand j'étais un jeune garçon; l'idée de "vivre pour ce qui est beau" m'a parue plus claire en voyant le ciel bleu ce matin-là. en fait, je crois que mon bonheur reposait seulement sur la beauté du monde extérieur, sur laquelle je n'ai aucune influence, quand celle-ci disparût de mon monde, s'en alla alors avec elle mon goût à la vie.
donc, ouais, voilà. en ce moment j'essaie de comprendre un peu plus ce que tu me disais quand j'étais petit, sur la vie, sur quoi faire et tout ça. je suis toujours un peu perdu mais t'as vu au moins j'fais de mon mieux. quand j'y arrive. avec un peu de chance on aura une occasion de se revoir dans les prochaines semaines. à plus !
- café "
fin de la lettre.
j'ai rangé cette lettre dans le grand carton qui contient toutes les autres lettres que leur destinataire ne recevra pas. et puis je suis allé boire un coup.
mon état récent est correctement décrit dans ces lettres, sans la passive envie de crier. et sans les fleurs, car que serai-je sans ces après-midis perdus allongé dans le champ de fleurs derrière la maison. je rêve d'une occasion où, seul, je pourrai simplement hurler au milieu d'un terrain, sans gêner personne pour autant, un simple défouloir. il y en a une qui s'était présentée, 3 semaines de ça, mais les statues de la maison m'ont appelé à y revenir, et après ça je me suis senti plutôt démoralisé, donc au final, j'attends encore.
quelqu'un vient frapper à la porte, dans l'après-midi, le bruit coupant net avec ce qui avait été une longue période de silence. je traverse le salon et j'ouvre la porte; derrière, Eve (très clairement énervée). elle jeta un œil derrière elle puis m'annonça qu'elle avait croisé Chel (le dieu de tout et tout le reste) dans son bus. elle avait besoin de penser à autre chose maintenant. eve entra dans la maison et se jeta dans le canapé. "tu voudrais un verre d'eau ?" lui proposais-je, et elle frappa les coussins du canapé. "ouais ça m'f'rait du bien j'pense", repondit-elle. la porte était encore grand ouverte, le soleil venait s'engoufrer dans la maison.
"ok, regarde", eve commença, "y'a 2 jours t'avais assez littéralement Noriyoschväd inondée par les flammes parce que l'esprit monde a juste décidé que les humains avaient trop échoué comme ça. super ? le truc t'sais, on avait un peu construit dieu spécialement pour éviter ça, pour pouvoir communiquer à l'esprit monde. et iel est dans le bus en train de taper la conversation ?" eve se redresse pour pouvoir m'interpeler du regard alors que je suis dans la cuisine. "tu penses qu'on va s'en sortir ?"
j'ai répondu "je ne sais pas vraiment. j'pense qu'on peut qu'attendre la suite.", ce qui n'a pas semblé lui plaire. elle m'a jeté un des coussins du canapé à la figure.
"et le pire c'est que j'm'énerve, sauf que ça changera rien au bout du compte. donc ça en vaut juste pas le coût. et je comprends pas pourquoi je..." eve lache un grand soupir parce qu'elle n'arrive pas à trouver comment s'exprimer ou peut-être qu'elle sait, mais que ma réaction lui fait peur. ou encore une troisième autre chose que je ne peux imaginer.
et, pour ne pas la laisser seule, j'essaie de finir : "tu ne vois pourquoi être en colère, quand tu cherches vraiment que la paix avec le monde ?". pas de réponse. j'ai dû en faire trop.
je viens m'asseoir par terre sur le tapis à côté du canapé. eve m'a pris le verre d'eau des mains, avant que je puisse lui donner. elle murmure "merci bien." puis fixe son regard sur le fond du verre et le temps passe. je crois que nous avons tous les deux perdu la notion du temps.
"un jour ou l'autre j'vais finir par quitter cette ville qui me rend malade. y'a rien pour moi ici t'façon.", annonça-t-elle, avant de prendre une gorgée de son verre d'eau tiède.
moi, au final, j'avais décidé de m'allonger, fixant mon regard sur le plafond, et des fois ce que je pouvais voir de eve sur le canapé, à côté. (une vague impression qu'elle voulait partir à cause de moi) "et, pour aller où ? enfin. si tu as une idée"
"bah, bien sûr que oui. j'irai en ligne droite direction le soleil lui-même" eve se retourne pour pouvoir me jeter un regard enthousiaste et fou. "qu'est-ce qu'on en a à faire d'où ça me mènera au final. ma bécane elle pourrait bien crever en chemin, j'continuerais d'avancer quand même. jusqu'à ce que je trouve un endroit pour moi, où j'pourrais m'imaginer rester."
non. non. je ne veux pas qu'elle parte. jeneveuxpasquelleparte. (pitié, ne me laisse pas seul). espérant me rassurer, je demande : "donc, ça veut dire que tu ne peux réellement juste plus rester ici ?".
"eh, si, quand même, il me reste des trucs à faire. c'que je veux pas ce serait de m'éterniser."
"ah..."
"après j'balance ça et pis', au bout du comtpe, me v'là à trainer dans ton canap'. alors bon tu sais."
un instant de vide contemplatif, et puis je l'accompagne sur le chemin du retour. nous parlons de choses plus triviales, plus ressemblantes aux discussions qu'ont les gens d'habitude.
nous arrivons devant la porte de chez elle, un poste de garde, réaménagé, sur les voies abandonées du métro de la ville. j'allais lui dire au revoir mais eve est restée immobile devant sa porte. elle jeta à nouveau un œil derrière elle, puis s'assit par terre, dos à sa porte.
d'une voix à peine audible, elle dit "t'sais, t't'a l'heure j't'ai mal expliqué pourquoi j'partais pas tout de suite. au final, j'veux juste qu'à mon départ, tout aille bien. parce qu'ici c'est à moitié vide, personne sort, y'a l'impression que le monde est mort tu vois. du style, il pourrait arriver n'importe quoi qu'ils broncheraient pas. quand c'moment viendra où j'me ferais finalement la malle, j'pourrais pas simplement revenir, comme si de rien n'était. ça aurait l'air faux à mes yeux. donc tu vois un peu l'idée, j'aimerais que les trucs ils changent mais c'est trop.. c'est flou pour l'instant. même si y'a des gens qui ont le pouvoir de changer la fabrique du monde là, au moins j'aurai ça que j'ai quelque chose à faire des gens"
je fuyais son regard, parce que ce qu'elle disait paraît important. "et ça va sinon ?"
"mieux. mais bref, j'vais y aller, à plus, c'était bien."
le bruit de la porte qui se ferme rententit. moi, j'étais immobile, mon regard perdu en imaginant où pouvaient mener ces rails.
il semble que beaucoup de choses se sont passées aujourd'hui. il est tard, je ne veux pas rentrer à la maison. partout m'irait, sauf là-bas. alors je m'en vais pour le bois, j'irai dormir à l'auberge, ça me changera.